« Il faut choisir de se pendre, de se vendre ou de se battre. Nous nous battrons pour commencer. Après, nous verrons. »
Désolé, je n’ai su retrouver l’auteur(e) de cette citation au combat. Tant pis, c’est bien le moindre des trucs que je n’arrive pas à faire en ces temps de résistance au malheur. Pour autant, je fais mienne la formule et, plutôt que céder à la délivrance de me balancer au bout d’une branche (ça donne le vertige), prend un malin déplaisir à me relever chaque matin, boxeur sonné refusant obstinément de jeter l’éponge.
Maigre réconfort, je sais ne pas être le seul pour qui les coups et les douleurs ont remplacés les goûts et les couleurs. Mais dans une société faisant la part belle aux névroses cannibales, aux peurs irraisonnées, au renoncement et aux lachetés mensongères (que ce soit envers autrui ou soi-même), nous sommes heureusement un certain nombre à trouver préférable de ruer dans les brancards avec amour et dignité plutôt qu’écouter les sirènes d’une haine faussement consolatrice. Et pour ça, au lieu de rester cloîtré au fond du cendrier en consumant des rêves au goût de tabac froid, rien de tel qu’aller faire chier le bourgeois !
Chez lui tant qu’à faire.
Vrai, une bonne occupation ça occupe et, faute de combler le manque de tout (et surtout de l’essentiel), au moins ça canalise le dépit en une saine colère orientée vers qui de droite.
C’est ainsi qu’avec les aminches chômistes, on est allé -ce mercredi 7 mars- s’incruster au Fouquet’s, haut-lieu de frayage des grands immondes de ce monde et « ex-cantine » du petit président en fonction. Pour les ceusses qui connaissent pas l’endroit, c’est un resto très surfait sis avenue des Champs-Élysées. Loin de nos quartiers réservés quoi. Alors evidently, malgré la patine faussement cosy du lieu, on peut pas dire qu’on y est bien accueilli. Surtout quand, comme bibi, on foule le tapis rouge et pousse la porte suivi d’une centaine de chômeurs en faim de droits. J’eu beau faire une mini-révérence avec ma gapette devant la potiche de service en lui annonçant très aimablement qu’on venait dîner, j’ai bien remarqué à sa mine décomposée que la présence de gueux dans son établissement ne la mettait pas dans son assiette (on aurait peut-être dû réserver ?). Pourtant on n’est pas resté longtemps, juste le temps de faire un p’tit discours, de se prendre la tête avec des loufiats en excès de zèle et, pour ma part, de m’attabler à la « table préférée de Michel Audiard » (dixit une petite plaque dorée) afin de consulter le menu…
Oui, très surfait le Fouquet’s. Passe encore sur la bouteille de pif à 1000 euros (à ce prix-là je suppose qu’il est buvable) mais franchement, la macédoine de légume à 85 euros c’est du vol ! Même parsemée de grains de caviar et d’une tranche de saumon. Quitte à emmener mon aimée se faire reluire les papilles, je connais un p’tit gastos à Ivry où pour le même prix tu te tape la cloche 8 jours par semaine ! Mais voilà, le Fouquet’s c’est un endroit pour se montrer (et pour le coup c’est ce qu’on a fait), pour se pavaner entre gens de sa -sale- race, un repaire de bandits de haut vol, une auge à cochons profiteurs dont on ferait de bien gras jambons. Si y’avait pas les flics.
Non parce que les larbins du Fouquet’s se prenant pour Bob Denard, passe encore. Quoique j’en ai rarement vu d’aussi cons, et c’est pas faute d’avoir occupé tout un tas de spots favorables à leur rencontre (Assedic, Préfectures, siège de l’UMP, syndicats patronaux, boutiques de luxe, ministères et j’en passe). Vous je sais pas, mais moi à leur place, si une centaine de chômistes à bout s’invite dans ma carrée, je ferme ma gueule et tache de me faire passer pour un pot de fleurs. Eux non. Leur haine du gueux est la plus forte, ils ont la connerie épidermique. Voir un arabe sans baril de pétrole à fourguer, une femme sans collier de diamants et un type de plus de 50 ans sans Rolex, ça les énerve. Ils ont bien tort, c’est un coup à se choper une mandale sur le coin de sa face de rat. Là, ils ont eu de la veine qu’on soit, nous, des gens civilisés et pas des barbares habillés par Cardin.
Pour revenir à la maréchaussée, ne pouvant décemment tabasser femmes et hommes de basse extraction en période électorale, ils se sont cantonnés à quelques vieux réflexes comme arrêter un copain s’étant imprudemment éloigné, oublieux du fait qu’il était à la fois jeune et arabe et qu’il y a des endroits dans Ripa où cela peut s’avérer dangereux. Donc après un joyeux barouf, on s’est gentillement calté dans l’intention d’aller le récupérer au comico du quartier. Mais voilà, une petite cuillère aurait été dérobée dans le resto sus-cité (les couverts du Fouquet’s sont numérotés… T’en perd une, tu flingues toute la série!). Du coup, à peine quelques mètres plus loin, on s’est fait embarqué en nombre jusqu’à un centre de rétention du XVIIIe où les condés nous firent poireauter pas loin de 5 plombes dans une cour barbelée ouverte aux quatre vents (et à la pluie).
On a beau en avoir vu d’autres -et des pires-, cette interpellation de masse est bien la preuve du caractère petit et mesquin qui anime nos chers gouvernants. N’ayant juridiquement rien contre nous, ou pas vraiment (une « manif non autorisée » et le soi-disant « vol en réunion » d’une petite cuillère jamais retrouvée), ils nous font mariner un -sacré- moment dans le froid, la flotte et le vent pour que, quand même, on se rappelle qu’on ne peut batifoler impunément dans les zones de non-droits que sont, pour nozigues, le VIIIe arrondissement et ses restaurants. Chasse gardée de ses saigneries. Bref, ils nous auront au moins prouvé avec certitude qu’on les a bien fait chier. Et ça, c’est une bonne motivation pour recommencer !
En attendant la prochaine fois revancharde, la survie continue… Un avion transatlantique bien intentionné a ramené une amie canadienne sous nos tropiques et, même si ce n’est pas celle que j’attend, ça m’a tellement fait plaisir qu’en 10 mn au comptoir j’y ai organisé un ch’ti concert-surprise. La miss s’appelle Jenny Woo (les lecteurs du dernier ChériBibi en ont bien évidemment entendu causer), vient d’Edmonton via Ottawa et fait de la « oi! acoustique » entrainante et marrante comme tout ! Pis après, pour continuer à te faire vibrer, y’a ton DJ préféré (n’acceptez aucun substitut édulcoré) alors… tu viens ?
On se quitte (pour mieux se retrouver dans un avenir incertain) avec le clip de sa chanson Stronger -tourné là où j’ai laissé mon coeur- et son refrain déterminé : « Ce qui ne nous détruit pas nous rend plus fort » (d’accord mais quand on est détruit, on fait comment ?)…
PS1: Ah, j’allais pas oublier (car mézigue j’ai pas l’amnésie facile) mais la même fin de journée, à deux pas, y’a le camarluche Syl qui expose dans not’ bouclard préféré. Dont acte.
PS2: Si y’en a des qui par hasard s’demanderaient quel rapport il peut bien y avoir entre une occupation de chômistes en colère et une revue de culture populaire, je vous invite à relire vos classiques ici-même. En plus, on a rajouté quelques extraits assez parlants des nombreuses critiques qui nous sont faites… Et n’allez pas croire qu’on les publie pour se gonfler les chevilles, non, c’est de l’autodéfense ! C’est vrai quoi, à force de se faire marcher sur la gueule au quotidien, à force de survivre dans les marges d’une vie rêvée et se voir refuser l’accès à nos pâtisseries préférées faute d’être assez bien apprêté dans la modernité, on finit par ne voir dans le miroir qu’un loser inutile, mal rasé et mal aimé, un vieux tigre de papier (recyclé) dont l’investissement de longue haleine est balayé d’un clic de souris… Alors que si tu résilies ton abonnement à vie au ChériBibi parce que tu crois avoir trouvé mieux dans les mirages de la nouveauté virtuelle, c’est toi qu’a la lose mon ami(e) !
Un commentaire | Ajoutez le vôtre
Salut Daniel ! Totalement d’accord avec ton texte mon gazier! On se capte quand tu veux fréro! La bise poto!!