ÉTRONS DANS LA DANSE Publié le 29 juin 2024, par CheriBibi
« Puisque le peuple vote contre le gouvernement, il faut dissoudre le peuple. »
Bertold Brecht
Voilà, on y est : bien à l’abri dans ses « beaux quartiers » et paradis fiscaux, la classe possédante ne se donne même plus la peine de rendre crédibles ses oripeaux démocratiques. Face à la contestation généralisée, elle pousse le fascisme au pouvoir… « Plutôt Hitler que le Front populaire », disaient les grands patrons en 1936. Plutôt le retour de la bête immonde que celui de l’impôt sur la fortune, s’égosillent-ils aujourd’hui.
Le coup (d’État) a été bien préparé, en précarisant méthodiquement la classe laborieuse tout en la divisant par couleurs, origines, croyances, genres… Car oui, c’est toujours la même guerre de classe qui se joue. La violence des prolos racistes contre les prolos racisés n’est que la marionnette visible de celle des dominants contre les dominés.
Il est facile de fustiger la frange populaire de l’électorat RN… C’est vrai qu’il faut quand même être con pour soutenir un parti qui, en sus d’être fasciste, est ultralibéral, dirigé par de grosses fortunes ayant à cœur de privatiser ce qu’il reste des services publics, démembrer le bien commun pour leur profit personnel (quand tout sera privé, on sera privé de tout). Il faut être con certes, mais avant tout désinformé, appauvri, acculturé. Et ça, c’est le boulot des médias dominants.
La misère ne favorise pas l’ouverture d’esprit. Le maintien dans l’ignorance est le terreau du racisme. On est tous, on a tous été un jour ou l’autre rebutés par la différence (d’apparence, de coutumes…). On a tous eu des préjugés envers ce que l’on ne connaissait pas, ce que l’on ne comprenait pas. C’est justement en excitant et exacerbant ce sentiment somme toute très humain que la bourgeoisie nous divise pour mieux régner. Contrer les raccourcis imposés passe donc forcément par un partage des connaissances et expériences, par une curiosité pour autrui. Tout est toujours une question d’attention aux autres.
De fait, quelque soit le résultat des élections législatives (retour d’une gauche gentiment réformiste ou arrivée au pouvoir de la forme la plus barbare du capitalisme), il faudra bien continuer à inventer des luttes heureuses pour extirper nos frères et sœurs de classe du constant matraquage médiatique mortifère des élites. Il faudra bien insonoriser Bolloré et ses compères / complices / domestiques. C’est en ce sens que ton ChériBibi est signataire de l’appel pour un front commun des médias contre l’extrême droite.
Alors comment contrecarrer les discours puants des dominants ? En les prenant à contre-pied. Ils voudraient que tu rejettes cet « Autre » censé effrayer ? Va plutôt à sa rencontre. Car les différences sont nourrissantes quand elles sont partagées sur un pied d’égalité. On ne dégonfle les égos qu’en s’ouvrant à nos égaux, histoire de confronter les préjugés à la réalité. De la même façon que tous les cathos ne tripotent pas des marmots, les musulmans sont heureusement très loin d’être tous des islamistes radicaux ; les feujs ne défendent pas unanimement l’État colonialiste et ségrégationniste israélien ; les Roms ne vont pas forcément te chourave tes poules, les lesbiennes te couper la nouille et les Vietnamiens manger ton chien. Quoiqu’un peu plus de coupeuses de couilles en vadrouille, ça en calmerait certains (Solanas, reviens !).
Il s’agit également de s’intéresser au sens – ou au non-sens – des mots usités et rabâchés. Les termes « wokisme », « islamo-gauchisme », « grand remplacement » n’ont aucune réalité concrète. Ce n’est que du vent (mauvais) ! Du fantasme asséné pour resserrer le garrot étouffant la voix des victimes d’oppressions réelles, elles. Comme le remarque très justement l’admirable centenaire Edgar Morin, « Le grand remplacement est celui des idées humanistes et émancipatrices par les idées suprémacistes et xénophobes ».
Non, les « séparatistes » ce ne sont pas les enfants d’immigrés mis au ban en banlieue sous contrôle au faciès mais le gotha retranché dans ses ghettos de riches, dans ses raouts de riches, dans ses écoles de riches, dans ses paradis fiscaux de riches. Un « assisté », c’est pas celui qui touche l’Allocation Spécifique de Solidarité –545 € par mois – mais Bernard Arnault qui gagne 1700 € par seconde grâce à la sueur des autres ! Entre 2021 et 2023, les 42 milliardaires français ont amassé plus de 200 milliards €… Si le Smic avait augmenté au même rythme que la fortune des milliardaires ces dix dernières années, il serait à 5000 € net !
De fait, il y a de quoi rire quand les porte-voix du patronat (chroniqueurs, éditorialistes, « spécialistes », animateurs, candidats, politiciens… bouffons) nous assènent que le programme du « Nouveau Front Populaire » serait irréalisable, inapplicable… Qu’il ruinerait le pays, nous endetterait terriblement, ce serait le chaos, voire la guerre civile ! Les mêmes qui poussent ces cris d’orfraie sont ceux qui annonçaient la fin de l’Histoire quand les congés payés et la réduction du temps de travail ont vu le jour en 1936. Ou quand, en 1945, alors que le pays était en ruine, le Conseil national de la Résistance créa le régime général de la Sécurité sociale et nationalisa l’énergie avec la création d’EDF.
A contrario, on peut trouver encore trop timide le programme du Front Populaire, et légitimement grincer des dents devant certaines « figures » mises en avant par les médias (au hasard Mélenchon, Hollande…). Mais ça, on verra plus tard.
Pour retrouver le chemin du bonheur commun, l’urgence absolue est déjà de s’opposer par les urnes au RN (ainsi que faire réfléchir ses voisins sur cette nécessité vitale).
Le vote, pas plus que la manifestation ou la grève, n’est un outil efficace à 100 %. C’est même souvent un coup d’épée dans l’eau, voire le trompe l’œil d’une simili-démocratie où le « citoyen » est consulté pour la forme sans que rien ne change. Mais pas cette fois.
Quand j’use de mon droit de manifester, je le fait aussi pour ceux et celles qui ne peuvent manifester (qu’ils/elles soient entaulés, qu’ils/elles bossent, qu’ils/elles aient des mômes à garder…). Quand j’use de mon droit de grève, je le fait aussi pour ceux et celles qui ne peuvent faire grève (qu’ils/elles bossent au noir ou en « indépendants », qu’ils/elles risquent un licenciement, qu’ils/elles soient d’astreinte à l’hôpital, qu’ils/elles soient au chômedu…). Quand j’use de mon droit de vote, je le fais aussi pour ceux et celles qui n’en bénéficient pas… et qui sont toujours les premiers à se prendre dans la tronche la répression. Si le RN a une majorité à l’Assemblée, flics et fachos (pléonasme) seront en roue libre dans l’instant. Et ont comptera nos morts. C’est ça la suite. Immédiate.
Alors si vous avez davantage peur du Front Populaire, n’oubliez pas de relayer les bruits qui courent sur le fait que ses partisans mangent des enfants… Et pour illustrer ça sur vos boucles Internet, n’hésitez pas à ressortir l’image de l’ogre bolchévique au couteau entre les dents…
« – Voilà les rouges !
– Le rouge, les rouges !, répliqua Bahorel. Drôle de peur, bourgeois. Quant à moi, je ne tremble point devant un coquelicot, le petit chaperon rouge ne m’inspire aucune épouvante. Bourgeois, croyez-moi, laissons la peur du rouge aux bêtes à cornes. »
Victor Hugo, Les Misérables
Dire qu’à la base, je voulais juste rappeler notre événement du 6 juillet… Peut-être l’une des dernières occase de faire la bringue ? Venez nombreuses et nombreux ! Votez nombreuses et nombreux ! Faisons front populaire !