Mort d’un bon vivant (hommage et dessert) Par CheriBibi, le 24 février 2015

« J’aime la vie, et vivre est la chose certaine,
Mais rien ne sait mourir comme les bons vivants.
Moi, je donne mon cœur, mais ma peau, je la vends.
Gloire aux belles ! Trinquons. »

– Victor Hugo, La Légende des Siècles, 1877.

Ses amis l’appelaient Hafed, ses ennemis n’avaient pas son numéro. Auteur de nombreuses nouvelles et bons mots, de romans, de scénarios de BD et de films, de pièces de théâtres et de retraits bancaires à main non-armée, l’écrivain multirécidiviste Abdel Hafed Benotman était un grand bonhomme et un « petit voleur » comme il aimait le rappeler*… Non pas pour justifier dix-sept années confisquées par la prison mais pour se démarquer des grands voleurs qui, eux, ne courent jamais puisque personne ne va les poursuivre en Suisse. C’est hélas lors d’un de ces séjours forcés (en prison, pas en Suisse) qu’il eut son premier infarctus. L’Administration Pénitentiaire laissa son cœur se nécroser aux deux tiers au fond d’une cellule avant d’enfin l’hospitaliser. Pourtant, depuis presque 20 ans, le dernier tiers résistait à l’injustice comme le cœur de géant qu’il était.

Hafed aimait rire, boire, manger, embrasser, écrire, et le plaisir était largement partagé. Parrain de notre festival ivryen de littératures & luttes sociales En Première Ligne, il ouvrit notamment l’édition 2014 en interprétant Erika chez les camarades du théâtre El Duende, une de ses pièces dont il partageait volontiers le secret, mélange d’humour noir et d’aphorismes, de colère et de tendresse. « L’humour est enfant de nos haines qui n’ont que trop connues vos lois » disait Prévert. Hafed était à coup sûr son digne héritier, lui qui passa sa vie à se battre pour cette dignité que l’injustice française lui refusait.

Né en 1960 à Ménilmontant d’ouvriers algériens qui, en 1962, choisirent la nationalité de leur pays devenu indépendant, Hafed ne pourra jamais être naturalisé français suite à un casier vite rempli et restera donc apatride, c’est-à-dire sans patrie si ce n’est la meilleure : la chaleur des amis et le concret des solidarités qu’il tissait, notamment en fondant l’émission de radio –puis le journal– L’Envolée à destination de tous les enfermés.
Décédé à Paris ce vendredi 20 février des suites d’un quatrième infarctus (dont est donc directement responsable l’incurie et le sadisme de ses matons d’hier), il sera inhumé ce samedi 28 février à 12h40 au cimetière parisien d’Ivry, 44 avenue de Verdun, carré 16. Pas de couronne mais fleurs bienvenues, à condition qu’elles soient sauvages.

* Notamment dans le dernier ChériBibi, mais vu qu’on fait pas not’ réclame sur le corps chaud des copains, y’a une causerie avec Hafed vachement plus complète et gratuite chez nos confrères d’Article 11.

AH seul
Un malheur n’arrivant jamais seul (ils volent même en escadrille), ce même vendredi 20 février tragique, nous perdions un autre camarade de l’autre côté de la Manche…

Batteur historique du groupe Conflict et artisan émerite du son anarchopunk anglais, Francisco « Paco » Carreno officiait depuis 1996 derrière les fûts d’Inner Terrestrials.
ITPaco

Malgré des problocs de santé récurrents, il enchaînait les concerts jusqu’à récemment et nous ne le remercieront jamais assez, lui et Jay et Fran, pour l’aller/retour Brixton-Saint Ouen qu’ils firent en 2011 histoire de jouer aux 20 ans du ChériBibi ! Hélas, je ne pu leur rendre la politesse comme prévu quand ils fêtèrent les leur –de 20 piges– en décembre dernier, ma grand-mère venant de nous quitter après 104 ans de résistance aux grandes et petites misères (fille et épouse de boulangers, elle avait dit un jour « Je suis née dans le pétrin et j’y suis resté »).

Bref, ces temps sourds, on ne sait plus où donner de la tête d’enterrement… mais attention, comme me disait le compère Tôma « Verminax » Sickart après que j’eusse loupé la mise en bière du père Schultz : « J’te préviens, si tu viens pas à mon enterrement, j’viendrais pas au tien ! »

3 commentaires | Ajoutez le vôtre

  1. Jules - 25/02/2015 à 10:35

    Putain !
    Paco après Hafed.
    Contrairement à ce qu’avançait le Moine, c’est plus une escadrille, c’est un vrai corps expéditionnaire de malheurs.
    Salut à vous les aminches.

  2. Adé - 7/03/2015 à 12:30

    M’ouais…
    C’est tout de même curieux cette manie qu’ont la plupart des rebelles de décaniller avant les raclures…
    Mais, comme disait Topor: « On n’est vraiment mort que quand on vous a oublié. Pas avant »
    Salutations fraternelles!!

  3. de luna - 3/01/2023 à 23:36

    bel hommage à ces artistes

    une amie d’Hafed

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