« L’utopie se construit sur la mémoire des luttes inachevées » disait le peintre, écrivain et poète Henri Michaux. Après il est mort.
Force est de constater, cher lecteur, lectrice mon amour, qu’on vit une époque atteinte d’alzheimer dont internet est le parangon (ou le parent con, pour utiliser un langage moins intello). Pages web, Facebook, courriers mails se succèdent à un rythme effréné, s’enterrant d’eux-mêmes sous le poids de leur propre défilement. Par exemple, qui relit son ancienne correspondance virtuelle ? Quelle chance avez-vous de retomber sur le courriel d’un(e) aimé(e) des années après ? Alors qu’une bonne vieille lettre en papier ayant glissé derrière le canapé vous tirerait des larmes (de rire ?)…
Il en est de même pour ce qu’on appelle « l’actualité » : qui se souvient, à part quelques manifestants toujours en procès, que le Québec vivait jusqu’en juillet dernier un « printemps érable » (sic) ayant méchamment secoué le cocotier au pays de nos amours gelés et fait la hype chez les médias francophones d’ici ? Pourtant, il était pas fini ce printemps-là, il restait du boulot… Mais hop, une petite élection pour foutre les démagos du PQ au pouvoir et tout le monde au dodo. Et les « réseaux sociaux » locaux ont pu remettre, à la place du carré rouge de circonstance, un autoportrait pris lors de leur dernière cuite. Retour à l’anormal.
Car l’anormal, c’est ça : un zapping perpétuel qui escamote ses victimes sous une constante vacuité autocentrée. Après tout, pourquoi tenir promesses et engagements quand ils ont été globalement oubliés dans les sunlights de la « nouveauté » ? Le changement c’est maintenant… et aux chiottes l’instant d’avant!
Ton chéribiblog préféré n’échappe pas, hélas, à cette « loi » inique. En écrivant ce post, je sais que j’envoie dans les oubliettes de la « page 2 » le petit hommage à notre poto Laurent, décédé cet été. Comme j’y ai balancé précédemment force textes écrits avec des tripes amoureuses, moments de colères, de chagrins, de joies et de rires. Et ça me fait profondément chier.
Alors pourquoi l’écrire, ce truc qui défile quand tu bouges la souris comme ça, là?
Question pertinente.
Je vous remercie de l’avoir posée.
Bonsoir.
Allez, on est entre nous et quelques millions de pixels, ce qui est toujours moins compromettant que face à face, donc je peux bien vous donner un semblant de réponse sous la forme d’un rendez-vous secret à largement partager (le chéribiblog, ton site de rencontres) : ce samedi 1er décembre, à 14h au métro Stalingrad dans la bonne ville de Paname, aura lieu la 10e manifestation contre le chômage et la précarité organisée par les associations de chômeuses et de chômeurs. Et la 10e ça fait beaucoup.
10 ans exactement qu’on se pèle les miches début décembre afin de, non pas manifester « pour l’emploi » mais contre la logique d’un système économique qui use et abuse de la précarité pour soumettre le commun des mortels à la volonté d’une poignée de profiteurs sans scrupules… En clair, le chômage sert à faire peur. Et cette peur à faire accepter des conditions de travail merdiques, des emplois dégradants, des salaires de misère, le tout bien souvent pour produire des saloperies inutiles et même pas rigolotes. Donc logiquement, quand un homme de pouvoir, un gouvernant, un qui l’ouvre à l’écran vous dit qu’il veut résorber voire éradiquer le chômage, c’est un menteur. A la limite, ce qu’il aimerait bien éradiquer… c’est les chômeurs. Du moins ceux refusant de s’autoflageller en place publique.
Alors évidemment, on n’est pas content. Sauf qu’au lieu de taper son chien qu’a bouffé la zapette de la TV, ou de tirer sur les gosses qui jouent à la marchande de shit en bas de la cité, on descend dans la rue gueuler au grand jour notre désir de grand soir. Pis comme l’accès aux quartiers de richards nous est légèrement mais sévèrement défendu, on manifeste chez nous, dans les derniers quartiers populaires de la ville-lumière, c’est-à-dire de Stalingrad à Place Clichy en passant par Barbès et Pigalle. Au moins, on y fait chaque année de chouettes rencontres et ça réchauffe les colères et les courages. On peut même dire que ça produit des richesses, le courage étant une denrée qui manque cruellement à beaucoup…
D’ailleurs, si ça ne tenait qu’à bibi, on manifesterait avec des baignoires et des hachoirs pour transformer tous ces moutons en méchoui. Et quelques poulets en brochettes tant qu’on y est. Tant pis, à la place y’aura une sono avec du bon son, c’est déjà ça.
Et à propos de bon son, le Chéribibeat Sound-System bifurquera vers Montreuil à la fin de la manif pour pousser la galette à un autre 10e anniversaire, celui d’Arrache-toi Un Oeil, sympathique couple de sérigrapheurs-mais-pas-que au nom qui arrache (un œil).
La party a lieu de 18h à minuit aux Instants Chavirés, 7 rue Richard Lenoir, M° Robespierre, avec plein de groupes « hardcore-trashcore-fastcore » et bibi qui foutra de la soul plein d’tubes pour emmerder tout le monde et faire danser les autres. Y’aura même des tapas avant que j’atteigne le buffet ! Si tu m’crois pas, le programme complet il est quelque part par là.
Pis le dimanche, pas loin, c’est-à-dire 21 ter rue Voltaire au bien nommé Centre International de Culture Populaire, ton infatigable ChériBibi tiendra une table supportant la fin des stocks disponibles (en l’occurrence les n°5, 6 et 007 de ta revue adorée) à la soirée de soutien aux éditions Libertalia –mondialement connues pour avoir ressorti, rappelez-vous, les Aventures de Chéri-Bibi par Gaston Leroux. Y’aura même le camarluche Titi Cochran en concert, ce qui vaut son pesant de bière (sans alcool ?).
Voilà, grâce au virtuel, vous savez au moins que faire de votre fin de semaine réelle. Ce qui ne doit pas, loin de là, vous empêcher d’aller relire (et sauvegarder ?) vos anciennes déclarations passionnées et vos engagements oubliés histoire d’éviter au présent de choper un arrière-goût frelaté et, qui sait, bâtir de solides lendemains qui chantent sur des fondations parfois trop vite ensablées. L’utopie, après tout, n’est-elle pas irréalisée plutôt qu’irréalisable ?
Ce n’est qu’un combat, continuons le début !
PS : The revolution will not be something you talk about on Twitter. The revolution will not give you more Facebook friends. The revolution will not come from a text message. The revolution will not be available on YouTube. The revolution will not be found on Google. The revolution will not come out on DVD. The revolution will not have a fuckin’ add for mature women on it. The revolution will not be digital. The revolution WILL change your life. THE REVOLUTION WILL NOT BE TELEVISED !
2 commentaires | Ajoutez le vôtre
je ne serai pas dans les rangs samedi mais je penserai à vous. bises brestoises.
Ben dis-donc, quel week-end chargé, t’as eu, sans compter tes recherches pottingerestes… Moi j’ai eu la flemme d’un peu tout… Puis au milieu d’un élan de courage de fin de week-end, je tombe sur cette MàJ, et j’me dis que t’as jamais écrit quelque chose d’aussi vrai que la première partie de ce texte. Pas que le reste soit faux, hein, mais voilà.
Allé, il est temps de passer à autre chose. Après tout, demain, il est lundi. Faut avancer, rewind interdit, en avant…