« Le pire qui puisse nous arriver risque d’arriver parce que ce sera efficace. Il est aisé de lutter contre une politique d’atteinte aux libertés publiques dont on peut prouver l’inefficacité, mais comment faire lorsque ce n’est pas le cas ? Que va-t-on faire si, pour sortir, il nous faut télécharger une application gouvernementale retraçant tous nos déplacements ? J’ai bien peur que l’on ne connaisse déjà la réponse. Si l’on nous propose de sortir, mais diminués et contrôlés, tout porte à croire ou à craindre que l’on consentira à sortir diminués et contrôlés. »
Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, sur Médiapart le 12 avril 2020.
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
Benjamin Franklin
« Nous sommes en glaire ! » a avoué le résident Macron, morve collée à la narine nationale. Lui sûrement, mais nous, on se mouche dans nos manches retroussées car on est déjà en guerre sociale depuis pas mal d’années (voire de siècles), et on a eu plus que notre quota de lacrymo dans les bronches, de yeux crevés, de grand-mère tuée par un jet de grenade, de jeunes étouffés par la police…
Aujourd’hui encore, on continue de compter nos morts, décédés de l’inanité gouvernementale.
Oh, rassurez-vous, après avoir déserté si longtemps ce Chéribiblog, j’y reviens pas pour étaler une analyse déjà tellement flagrante qu’elle se passe presque de commentaires.
L’incompétence et la duplicité de l’État ? Preuve nous en a été donné dès sa première réunion de crise sur la pandémie dont Emile Louis, euh, Guy Georges, non, Edouard Philippe (je confond toujours les gens dont le blaze cumule deux prénoms) est ressorti avec… tain tain tain, roulements de tambours… Un plan d’urgence concret ? Non, le passage en force de la réforme des retraites !
Je sais pas pour vous, mais moi, quand j’organise par exemple la réunion de préparation d’un concert, j’en ressors pas avec une décision concernant le parcours de notre prochaine manif contre le chômage… À croire qu’ils ont du mal à rester focalisés ces cons.
Bref, en ce moment, au moins on voit qui fait vivre le pays, aujourd’hui comme hier et demain : les classes populaires. Et parmi elles, les « premiers de corvée » : éboueurs, caissières, aide-soignants, infirmières, agents de nettoiement, livreurs, routiers, épiciers,… Majoritairement des femmes et des immigrés, les moins bien payés, les moins considérés.
Quant aux actionnaires, aux publicitaires, aux « décideurs », leur inutilité de parasites est démontrée. Un patron a besoin de ses ouvriers, l’inverse n’est pas vrai. La preuve par le fait.
Il nous reste, à travers nos actions et productions, à imaginer comment transformer cette prise de conscience générale en rapport de force face à l’adversaire minoritaire mais médiatiquement omnipotent.
D’autant que ce confinement de classe, car subi avant tout par ceux qui sont agglutinés dans des logements exiguës, sans balcon ni jardin, devenant proies d’une police sans retenue dès qu’ils sortent s’aérer les bronches, on n’est pas près d’en voir la fin. Déjà parce que je vous écris de la zone rouge, pour laquelle la date du 11 mai ne signifie rien. On reste confinés, avec les masques qu’on arrive à se bricoler ; avec nos solidarités de proximité. Je vous invite d’ailleurs à cliquer sur les mots en rouge, liens vers divers trucs tels les articles qu’on écrit pour le site de ma banlieue, rouge également.
Personnellement, sans balcon dans mon deux-pièces mais moins en difficulté que beaucoup car bénéficiant d’un glorieux CDD, j’écris donc pour le site municipal, interviewant mes compatriotes confinés (voir lien en rouge plus haut), et depuis un peu plus de 15 jours, je suis en poste à la Maison de quartier au dessus de ma cité, où l’on fait notre possible pour freiner la misère qui s’ajoute à la misère (j’ai fait le récit de ma première journée ici).
Évidemment, je bosse aussi d’arrache-pieds sur le prochain ChériBibi, qui devrait donc sortir quand on pourra sortir, c’est-à-dire à la rentrée (pour rester optimiste). Et vu que vous avez peut-être débarqué ici même uniquement histoire d’en savoir plus, il y aura notamment au sommaire une interview des Selecter, le prétexte idéal pour vous montrer présentement un beau live daté de 1979 qui redonne une patate pas possible !
Ça tombe bien, on en a besoin.
Dans la foulée, comme vous avez sûrement le temps, matez-donc ci-dessous un film ougandais extraordinaire, Bad Black, évoqué par mes soins dans Le Monde Diplo de mars et dont le prochain ChériBibi présentera une causerie avec son réalisateur, l’incroyable IGG Nabwana !
Voilà. Trop de choses à dire ou pas assez, je sais pas. Reste qu’Internet c’est pas ma came, je préfère le papelard… et sortir causer et danser avec les gens en vrai !
Prenez soin de nous !