Faim du monde Par CheriBibi, le 14 décembre 2012

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. » (Sénèque)

Quand j’étais plus jeune, il y a de ça quelques années, quelques mois, quelques semaines, je pensais qu’on pouvait changer la course schizophrène du monde avec quelques mots, quelques lignes, quelques notes. Je croyais naïvement qu’en noircissant des pages entières avec ses tripes, la lumière née de la communion des passions viendrait éclairer l’œil avisé du plus aveugle des lecteurs. Qu’un poème, un roman, une chanson, un conte ou un simple constat (à l’amiable) saurait percuter assez profondément les cœurs les plus endurcis pour en faire jaillir un sang nouveau, irrigant à grand renfort de mots sincères les artères les plus obtuses et les veines les moins saillantes.
Pourtant, combien de bons mots, journaux, fanzines, revues, disques et missives jetées à la face de la cécité du spectacle comme autant de cocktails incendiaires se sont transformés illico en vaines bouteilles à la mer ? Qui, aujourd’hui où l’information se court-circuite par sa propre démultiplication, fait réellement l’effort de lire autre chose que ce qu’il veut entendre ? Qui ouvre ses chakras en même temps que son courrier ? Et quel poids peut peser un beau sentiment couché sur papier de soi face à l’arrogante abondance des fausses vérités bourrant kiosques et boites aux lettres de leur papier glacé flattant un surmoi sournois ?
On m’avait pourtant dit –à langueur de films épiques- que les hérauts du peuple sauvaient l’univers et le cœur de leurs concitoyen(ne)s à la fin. Mais force est de constater, ce malgré l’approche de Noël et l’annonce d’un bel apocalypse en technicolor par quelques récentes prophéties mayas la veille, que de la fin on ne voit pas le bout.

Non, de bout, les forçats de la fin ne voient point. Et il y a des damnés que ça atterre.

Alors quoi ? Va-t-on en rester là ? Chacun dans son coin à ruminer un quotidien où chaque jour semble une morne copie du précédent ? À espérer secrètement un tsunami à la moindre goutte de pluie ? Jamais. Plutôt crever foudroyé que renoncer à ce qui fait avancer. On n’est pas sur Terre pour se laisser emmerder par une soi-disante fatalité, se laisser enfermer dans une routine mortifère… fusse-t-elle assaisonnée de quelques soirées arrosées histoire de faire passer la pilule de nos rêves dégommés. Le moindre mal n’est pas un bien. Et si les mots ne servent à rien… il reste les images.

En voilà quelques-unes, de combat. Quelques banderoles (devinez laquelle que l’bibi il a peinturluré en écoutant d’la soul amoureuse ?) portées par des mains congelées et des cœurs vaillants lors de la manif des chômistes du 1er décembre dernier. Quelques traces de pinceau alignant les maux au front populaire des espoirs pas encore dissous. On lâche rien, sauf la lâcheté.

Et s’il faut prouver –encore et toujours- que nos vies valent plus qu’une simple soirée devant un écran à tenter d’oublier qu’au fond on se fait chier alors qu’on devrait passer son existence à voyager, danser, dessiner, se marrer, rencontrer plein de gens différents, vivre sans entraves et jouir sans temps mort, va donc jeter un de tes beaux yeux sur les quelques photos-souvenirs du festoche Bazzarock d’Aubenas en octobre dernier (tu cliques sur Bazzarock –pis sur les images pour les agrandir- et t’y es comme si t’y étais… d’ailleurs y’a que toi qui manquais !). Trois jours rock’n’rollesques à passer du son, pas dormir 50h d’affilée, bricoler de sacrés projets, danser sur les tables, déguster sans satiété les mets les plus raffinés et refaire le monde en vrai. Trois jours créatifs en diable qu’il ne tiendrait qu’à toi, à tes voisins, ton chien et nos amis d’étendre sur toute une vie. Car toutes ces images de lutte, de fête et de chaleur humaine -la meilleure !- récoltées des rues de Paname aux bistrots d’Aubenas (manquent celles de Genève où c’était là aussi que du bonheur) ne sont pas juste de beaux souvenirs, elles sont force de proposition pour l’avenir.

Alors qu’est-ce que t’attends ? La fin du monde ? C’était hier. On est demain.

Créer nos propres lendemains, c’est aussi simple que d’transformer un pack de bière en diablotin…

PS1 : C’est sûrement un peu tard pour l’annoncer, mais ce vendredi 14 décembre, on sera à la librairie éphémère de la Halle St Pierre à 12h30 pour jacter, autour d’un petit apéro, de not’ nouvelle maison d’édition Ici Même. Pis le lendemain, samedi 15 quoi, le Chéribibeat Sound-System poussera la galette de minuit à 3h du mat’ pour l’anniv’ des Mains d’oeuvres à St Ouen. Si vous venez déguisé en extra-terrestre, c’est gratos et on rigolera bien !

PS2 : Histoire de rendre la politesse au blog Rock’n’roll Rebellion qui a amené plus de 100 visites par icitte en un mois suite à une petite causerie avec bibi, allez donc faire un tour (y’a des pin-up, du rock, du ska, de la weed et des scooters à gogo). Pis si ça vous a donné envie d’en apprendre un peu plus sur nos amis les neuskis, l’émission Konstroy (FPP 106.3 le dimanche à 18h) « Spéciale Skinheads » du 2 septembre avec bibi en blablateur et selecta est écoutab’ ici.

PS3 : Et pour s’finir très provisoirement sur une belle image, je sais pas si t’as suivi mes conseils en allant te gaver les yeux de joyeusetées partagées sur le site du Grand Café Français (le festoche Bazzarock et ses belles photos, bis repetita), mais v’là ma préférée (de Jean-Luc Nury). Pas la plus « spectaculaire » peut-être, mais un moment -le samedi matin après juste 3h de sommeil et avant un week-end à ne dormir que l’lundi à 3h du mat’- de complicité avec JC Menu et Mattt Konture (de gauche à droite) dessinant pendant que j’les abreuvait de good vibrations entre Black Flag et King Tubby en passant par Nina Hagen, Spike Jones et Ennio Morricone. On remet ça sans interruption quand vous voulez histoire de donner aux fillettes insoumises du monde de demain (qui, quoi qu’il advienne, nous appartient) le goût des libertés. C’est tout pour aujourd’hui ? Bin non, t’écoutes pas ce que tu lis : on est déjà demain !

4 commentaires | Ajoutez le vôtre

  1. Tireufré (deviendra gland) - 14/12/2012 à 23:40

    « mayas la veille »… ah il claque particulièrement çuilà. BzzZ/
    Pis un petit extrait bien rude de dame Despentes, pour appeler par la bile aux actions où moi j’vais pas parce que j’préfère ma télé.
    « Elle n’avait pas mauvaise conscience, concernant ses origines. Certains potes de Magali avaient essayé de la culpabiliser sur le mode, « tu ne peux pas comprendre, là où tu es née on vous fait sentir votre importance dès le berceau, tu ne sais pas ce que c’est d’être un crevard, un affamé ». Valentine n’avait jamais essayé de se justifier. Ils se croyaient durs, lucides et enragés. Ils étaient innocents. Ils n’imaginaient même pas à quel point les gens comme elle sont indifférents au sort des gens comme eux, si ce n’est pour en faire de la mauvaise littérature. S’ils avaient dû se coltiner la réalité de pleine face, ils auraient été anéantis. À quel point l’argent circule, là d’où elle vient, combien les choses sont évidentes à faire, et l’estime de soi dont on hérite à la naissance. Pas une estime personnelle, qui est difficile à acquérir quand on vient d’un milieu où les aînés ont trop bien réussi. Mais une estime sociale. S’ils savaient, vraiment, comment les gens vivent, en haut, ils se consumeraient de rage, ils n’auraient même plus la force d’en débattre. » Virginie Despentes, Apocalypse bébé

  2. Pratt - 30/12/2012 à 19:56

    Bonjour à tous, j’aimerais seulement savoir quand paraîtra l’interview de Marc Caro réalisée il y a déjà plusieurs mois… Merci pour votre réponse et bravo!

    S. Pratt

  3. roboblogueur - 24/01/2013 à 2:34

    « Non, de bout, les forçats de la fin ne voient point. Et il y a des damnés que ça atterre. »

    Et celle-là, c’est du poulet ?

  4. Jeremiah - 7/03/2013 à 15:44

    « Non, de bout, les forçats de la fin ne voient point. Et il y a des damnés que ça atterre. »

    Bon, je suis plutôt du genre avare de compliments, mais je dois dire que j’ai été subjugué littéralement par tout le début du papier, jusqu’à cette phrase. Vraiment, j’ai pris une baffe et ai « pull up » ma lecture plusieurs fois comme s’il s’agissait d’un vieux disque. Merci. Par contre, je remarque que le dernier billet date du 14 décembre, ce qui me chagrine un peu. Aurais-tu lâche l’affaire (Daniel, je crois) ? Pour que tu situes, on avait discuté rapidement au Free Market de Panam l’été dernier, j’étais le jeune con de 23ans qui jouait du Studio One… et depuis je suis accroc à ton zine, j’ai lu tous ce que je trouvais de Debord. Bref, encore une fois merci, et continue, stp, ne serait-ce que pour contrebalancé la médiocrité ambiante.

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